TAIKIKEN
version mars 2020
Taikiken est l'appellation commune de TAI KI SHISEI KEMPO
Tai: grand (au sens
d'immense, d'inépuisable)
Ki: énergie - souffles (chi ou qi en chinois)
Ken: École de combat
1
- Historique :
Le Taikiken
vient du Ta Cheng Chuan qu'apprit Maître Ken'ichi Sawai lors de son
long séjour en Chine durant les années qui ont précédé la deuxième guerre
mondiale.
Par la suite, le Ta Cheng Chuan
a pris le nom de Yi Chuan pour la pratique en Chine communiste, car
les frappes avaient été interdites par le régime maoïste ; d’où la nécessité
pour cet art, pour pouvoir survivre, de se recentrer sur les seules
poussées.
Cette évolution, fut d’ailleurs
une grande réussite, car le Yi Chuan est actuellement beaucoup plus
populaire que le Taikiken ; il a fait émerger beaucoup d’instructeurs & de
maîtres chinois & européens d’un niveau tout à fait remarquable, … alors que
durant cette même période, le Taikiken s’est en quelque sorte un peu
rigidifié, notamment après la mort de son fondateur Maître Sawai. Et de
fait, depuis deux décennies, beaucoup de pratiquants (et de
professeurs) de Taikiken se sont mis à la pratique du Yi Chuan (des
poussées, donc, du coup une pratique moins violente) lorsqu’ils en sont
venus à devoir gérer leur maturité.
Bref, ce qui est enseigné
actuellement comme Taikiken ressemble plus à du Yi Chuan qu’au Ta Cheng
Chuan japonisé que nous avait légué Maître Sawai !

2
- Comment le
Taikiken se situe-t-il parmi les arts du combat ?
(1) C'est un Budo
japonais : Les notions de Hara (le centre énergétique du
pratiquant), de Ki (son énergie), de Zanshin (son mental éveillé), de Ma (sa
distance en combat), d'aspiration à la perfection de soi, de respect du
partenaire ... sont très présentes.
Pour plus de détails, le livre de
référence est : Miyamoto
Musashi de Kenji Tokitsu, un érudit japonais, pratiquant d’art martial, qui a
parfaitement intégré la culture française, d’où un message compréhensible.
(2) C'est un art
interne : Les qualités physiques ne sont pas celles que l'on
souhaite solliciter en premier lieu et développer par l'entraînement ; on
veut plutôt orienter sa pratique sur l’obtention d’un corps le plus relax
possible (la relaxation est du type de celle demandée par exemple en
Tai-chi-chuan).
(3) C'est un art de
combat 'contact' : L'élève doit réaliser qu'il trouvera, tout au
long de sa progression, des partenaires de combat qui le frapperont sans
beaucoup de retenue. Tout comme le Kyokushin, dont le fondateur Maître
Oyama a été un proche de Maître Sawai, cette vision de l'art
martial met en avant que l'essence véritable du Budo ne peut apparaître que
dans des situations de combat réalistes.
Ainsi, le combat souple (où les coups sont contrôlés) est donc par nature
exclu, puisqu'il y a dans l’art de combat contact le refus de se situer dans
une simple mise en scène du combat, celui-ci dénaturant l'approche
mentale du combat.
Pourquoi ?
Parce que, plus que le
rituel du gestuel de combat, c'est la gestion de la pression psychologique
(le stress) lié à la dureté de la confrontation, qui intéresse le pratiquant.
La finalité du combat est perçue différemment.
On peut ici faire la comparaison avec l’équilibriste qui marche sur un
fil :
(1) à 5m de
hauteur, plus que la traversée, ce qui le motive est plutôt la gestion de
ses peurs
(2) à 1m de hauteur, ou avec un filet, ce qui
l'intéresse principalement c'est le gestuel & la performance
technique.
3 - Le
Taikiken est un art interne :
Être un art interne signifie que la source d'efficacité pour l'adepte va
se trouver :
(1) dans
l'utilisation et la manifestation de son KI et non de sa force musculaire
(2)
dans sa capacité de gérer le stress, sa vivacité, son potentiel
d'anticipation (Zanshin) plus que dans son agressivité
(3) dans ses
capacités de défense plus que d'attaque.
Dans ces conditions, les paramètres du type taille, poids, âge et sexe
devraient ne pas être de première importance ; et de fait, Maître Sawai
était petit, léger et a été un combattant d’exception jusqu’à un âge avancé.
4 - Un
art de combat sans formes codifiées :
Attention, ce n'est pas seulement une sorte de Chi Kong japonais, ou du
Tai-chi-chuan japonisé, mais une pure école de combat (Ken) qui nous propose
une approche tout à fait unique du Budo.
Tout comme le Ta Cheng Chuan
des années 30-40, l’époque où Maître Sawai était en Chine,
il met en avant l'inutilité d'une maîtrise des gestes techniques (Katas ou
Taos) qui ne servent pas à grand-chose dans des conditions de combat réel.
En effet, avant d'apprendre cet art chinois, Maître Sawai était
déjà un combattant redouté et haut gradé dans plusieurs Budo japonais ; Budo
dont il a pu constater l'inutilité face à un adversaire de grande valeur.
Pour nous obliger à trouver en nous, de façon instinctive et spontanée,
le geste et la posture justes en combat, le Taikiken ne nous propose pas
d'apprentissage technique, mais plutôt la découverte d’une capacité d’une
réaction ‘juste’, un peu comme quand on se brûle la main et qu’on l’enlève
de façon instinctive & spontanée en une fraction de seconde.
La
gestuelle se limite donc à la déclinaison de mouvements circulaires et à
l'adoption de quelques principes de base touchant aux appuis et aux
sensations de défense visant à coordonner ‘l’espace’ du combattant ‘au
temps’ de l’attaque.
Mais alors, sur quoi peut donc se baser la progression du pratiquant ?,
car dans tous les autres sports de combats, la technique constitue la base
de progression la plus importante (boxe, judo, karaté, aïkido, lutte, catch, MMA, etc.)

5 –
Le cœur de la pratique du
Taikiken : Ritsu Zen
C’est le travail en solo, qui va permettre la maturation du Ki
de l’adepte, étant entendu que la principale source d'efficacité se trouve
dans la manifestation de ce Ki.
Le maître disait : faire Ritsu Zen, c’est comme déposer devant soi une
feuille de papier japonais (1mm ?) ; quand le tas devant vous est de votre
hauteur, votre énergie remplit votre corps de manière adéquate pour pouvoir
faire combat.
Ce n’est pas du tout une découverte du Taikiken, car le Ki (Chi ou Qi en
chinois) est l’énergie vitale, un élément essentiel de la Médecine Chinoise
Traditionnelle, & un élément théorique central dans la pensée extrême
orientale.
Donc, les exercices sur les souffles se situent au cœur de pratique. Il
s'agit d'un travail essentiellement postural appelé Ritsu Zen, puis de
marche lente (Hai) et de gestuels circulaires (Yuri) ..., que l'adepte doit
intégrer dans sa vie quotidienne.
Mais le centre du dispositif est bien Ritsu Zen : l’immobilité absolue qui va permettre la mobilité
instinctive nécessaire dans le combat ; c’est dans la lignée du Ying-Yang, du plein & du
vide, de l’être & du non-être, chers à la pensée chinoise.
Le travail en solo, Ritsu Zen, constitue
ainsi le principe de base de la
pratique du Taikiken ; il demande beaucoup de régularité et
un investissement en temps plutôt important.
6 –
L’élément spirituel est un fondamental
Pourquoi ce travail sur l’élément spirituel de l’adepte est-il considéré
comme fondamental dans le Taikiken (comme d’ailleurs dans la plupart des
arts internes) ?
Pour faire bref :
(1) Agir en
contre-attaque :
Si je veux que le faible (ou âgé) puisse faire face
à un plus fort (ou plus jeune) et pouvoir gagner, je dois réaliser que je ne
peux blesser le fort que lors d’une contre-attaque, c’est-à-dire lorsqu’il
sera en position de faiblesse relative après avoir lancé son attaque.
Le
faible n’a en effet aucune chance en pure attaque face au fort, car il est
soit moins puissant, soit plus lent, soit moins bon techniquement, et
éventuellement les trois !
C'est pour cela qu'un art interne
est toujours un art de défense, et jamais d'attaque (exemple du
Tai-Chi-Chuan).
(2) Pas de force contre
force possible :
Si je veux bloquer l’attaque du
fort, je ne peux pas l’affronter en confrontation directe (par un blocage
traditionnel), car cela impliquerait force contre force ; seule une
trajectoire circulaire (du type par exemple d’un balayage de l’avant-bras) &
parfaitement coordonnée, me permettra de dévier une attaque puissante sans
trop de heurt.
Je
donne souvent l’idée des sorties de secours en gravier (de plus en plus
profond) installées dans les descentes d’autoroute, permettant à ces énormes camions
qui n’ont plus de frein de s’enliser progressivement sans qu’il y ait eu
un contact brutal. Ainsi devra être le contact circulaire de l’avant-bras
sur le membre qui attaque.
(3) Une relaxation
indispensable : de plus, ce blocage circulaire devra se faire en
toute relaxation, c’est-à-dire sans mobiliser d’énergie, car celle-ci me
sera indispensable dans la contre-attaque qui devra se faire presque
simultanément, si je veux bien sûr exclure le risque d’une deuxième attaque
enchaînée (ex : gauche-droite).
=>
Pour toutes ces raisons, j’ai besoin de capacité de relaxation (donc
de gestion du stress) & de réactivité voire d’anticipation par rapport à mon
adversaire (le bouger au bon moment). Pour nos Anciens, ces qualités ne
pouvaient éclore qu’à partir d’une pratique centrée sur le spirituel
(comprendre méditation), permettant à l’adepte de conserver calme,
relaxation & concentration dans des situations de stress intense ! D'autant
que le gestuel circulaire préconisé doit se faire pour être efficace de
façon quasi instinctive, donc avec une marge de progression technique très
limitée.
7 – Une
pratique aux objectifs multiples :
Comme tout art interne, sa première vocation est le maintien du corps en
bonne santé (partie Chi Kong, la partie énergétique). Pour le combattant,
cela signifie notamment :
(1) Un corps en condition
physique telle qu'il lui permette de gérer l'épreuve que sont les
combats durs contre des adversaires de valeur. Cela peut se traduire par un
corps musclé, mais ce n’était pas particulièrement le cas de maître Sawai.
(2) Accroître ses facultés
de récupération (hématomes, douleurs diverses que génère
invariablement le combat contact), de manière à pouvoir combattre
régulièrement. Ces facultés de récupération sont liées à notre métabolisme
et déclinent donc de façon notable avec l'âge. Le maintien de ces capacités
de récupération est pour le pratiquant (et l’a toujours été dans l’histoire
du Taikiken), le premier indicateur de la qualité de sa pratique du Ritsu
Zen.
-> On cite l’anecdote suivante :
- Maître, je me pose des
questions sur ma pratique du Ritsu Zen ; en fait, je ne ressens rien.
- Dis-moi, es-tu souvent blessé
en combat ? Tes blessures guérissent-elles vite ?
- Aucun souci sur ce plan maître ; mais c’est Ritsu
Zen qui m’inquiète !
- Pas de souci, ne change rien à
ta pratique !
(3) Conserver des
capacités nerveuses telles qu'elles lui permettent de continuer de
combattre tout au long de son existence, même âgé ; tant qu'il se dit
pratiquer le Taikiken tout au moins.
Il s’agit ici :
-
d’une part de ‘puissance nerveuse’, ‘d’influx nerveux’, ou de ‘niveau
d’énergie vitale’ permettant de se rendre à l’entraînement et de faire face
aux combats. Bref, avoir la forme, dont le niveau baisse dès la trentaine !
- d’autre part de ‘maîtrise des peurs’ (en Médecine Traditionnelle
Chinoise, chaque organe génère un certain état psychique ; or la peur est
gérée par le Rein, par ailleurs le premier organe à vieillir !
La témérité
est une qualité de la jeunesse, le courage celle de l'âge adulte, et la peur
celle de la
vieillesse ; c'est ainsi.
Et trop souvent, faute d’une pratique méditative
de qualité, l’adepte arrête par défaut de ‘moelle’ pour aller au Dojo, auquel
s’ajoute une peur croissante des combats venant avec les ans, une peur par
ailleurs tout à fait naturelle dont le pratiquant ne doit pas avoir honte.
(4) Une vision morale du
monde.
Ce travail en solo, Ritsu Zen, est un investissement sur le
travail sur soi (au plan des qualités morales de l'adepte), sans lequel il est
difficile d'envisager une pratique de type méditatif, en solitaire et
quotidiennement, sur de longues années.
C’est pour cela, par pur pragmatisme
en fait, et non par dogmatisme culturel ou religieux, que les Anciens associaient toujours morale
& pratique, quand ce n'était religieux & pratique (le moine Shaolin !),
car durant ces longues heures de méditation, notre agir (comprendre nos
actions antérieures) se manifeste et remonte à notre conscience. La
psychologie moderne l’explique par des sortes de bulles (liées à nos
traumatismes) qui viendraient à la surface de la conscience lors du rêve ou
de la méditation.
Bref, au final, c’est un peu comme si le méchant
avait en fait beaucoup de mal à méditer, dans la mesure où la méditation le
met comme face à lui-même ; ou comme si méditer nécessitait
d’être en harmonie avec soi & avec notre monde extérieur (donc le
contraire de ce que nous proposent les slogans contemporains du 'travail sur
soi' : méditez pour être en harmonie. Non, la pratique continue du zen nous
dit qu'il faut être préalablement en
harmonie pour pouvoir méditer !).
(5) Zanshin (l’esprit
éveillé).
Le travail sur les énergies (postural & marche) est
également destiné à préparer l'adepte à gérer le stress du combat et à mieux
percevoir l'adversaire ; c'est donc dans un environnement 'psychique' très
particulier que ce travail devra se réaliser.
Comme dans tous les arts
internes, c'est la partie un peu secrète de l'enseignement, permettant de
lier travail sur les énergies et son utilisation en combat.
8 – Le
travail au club :
Il s'agit principalement d'un travail avec partenaire. On l’a vu, il n'y
a pas à proprement parler de techniques Taikiken ; les exercices proposés
ont plutôt pour mission de permettre au combattant de tester des conditions
de réactivité, de spontanéité, dans des situations variées de combat
réaliste.
Des gants de type sacs, des protège-tibias, des
protège-genoux & des protège-coudes sont utilisés afin de limiter la dureté
des impacts.
Pour la majorité des pratiquants, une expérience (en parallèle ou
préalable) du combat contact paraît une nécessité pour aborder sereinement
cette expérience.
9 – A qui
s'adresse le Taikiken du Cercle Kibukan ?
Dans ce dojo, l’enseignement du Taikiken s’est adapté au style de combat
Kyokushinkai, que le professeur a appris conjointement.
Pour faire simple,
les frappes à la tête avec les mains (ou poings) ne sont pas abordées, et
ceci pour la même raison qu’en Kyokushinkai : les frappes à la tête
nécessitent de gros gants de type ‘boxe’, et du coup les frappes au corps,
qui
sont très amorties, n’ont plus beaucoup de sens (sauf bien sûr pour des
combats de professionnels sur de nombreux rounds). De plus, cela permet un
niveau de violence dans le combat, tout en préservant la tête de chocs
répétés , nocifs sur le long terme.
Ou alors, les frappes au
visage se transforment en gifles, mais alors la recherche du KO par les
autres techniques devient vraiment compliquée, car le combat se centre, de
fait, sur ces gifles.
Mélange de Chikong postural (qui place l'adepte face à lui-même lors de
milliers d'heures d'une méditation solitaire par lesquelles il lui faudra
passer pour développer ses capacités spirituelles) et d'art de combat
'contact' (qui le mettra face à ses peurs et à ses douleurs) la pratique du
Taikiken n'est pas des plus faciles.
Art de combat qui ne propose pas de techniques spécifiques pour
accompagner l'élève dans sa progression, et qui le place d'emblée dans des
situations de grand stress, l'élève se trouve dans une situtation
inconfortable.
La pratique du Taikiken
nécessite des motivations solides ... et durables.
On peut citer comme
éléments de motivation :
(1) se sentir
concerné par les qualités développées par l'art du combat contact : gestion
de ses peurs, contrôle de son agressivité ... A défaut, il vaut mieux
s'orienter sur une pratique plus douce comme celle que proposent
Tai-chi-chuan, Aïkido, Yi Chuan ...et tout aussi enrichissante pour l'élève.
(2) arriver dans
une certaine maturité de son expérience en art du combat, laquelle lui aura
permis d’admettre (et ce n’est pas si facile !) que la solution attendue
viendra plus d'un travail de type interne que :
.
de l'accroissement du potentiel physique qui est sans issue sur
le long terme (tout le monde vieillit) et épuisant et/ou destructeur pour le
corps à moyen terme
.. d'une maîtrise d'un bagage technique
(illusoire car elle n'a pas donné satisfaction dans une ou des précédentes
pratiques)…
A défaut, il existe toute une palette d'arts martiaux, externes
et internes, dont la maîtrise d'un plus ou moins imposant bagage technique
conditionne l'efficacité du pratiquant.
(3)
réaliser qu'une pratique de type interne a de peu de chances d'être efficace
(efficace à comprendre surtout dans le sens d’intéressant pour l’adepte) si
elle ne permet pas à celui-ci de se confronter aux autres pratiquants dans
une situation de violence (mais dans un environnement amical ; c'est tout le
contraire du combat de rue)…
A défaut, il est préférable de s'orienter sur
d'autres clubs (et il en ait quelques-uns de très bon niveau) où
l'apprentissage est moins centré sur le contact par frappes et plus focalisé
sur les poussées de mains (moins violentes), ou sur des confrontations plus
souples (pour permettre une pratique à un plus grand nombre).
À venir :
Pourquoi la méditation ? Les bases
théoriques.
Comprendre la
perspective orientale avec nos concepts
d’occidentaux.
·
L'itinéraire du professeur :
Commence le Kyokushin et le Taikiken avec Maurice Portiche au
début des années 1970, à 14 ans.
Première expérience d'enseignement : Université de Paris X Nanterre et
Institut de Langues Orientales en 1975.
Plusieurs séjours au Japon au Dojo central de Kyokushin à Tokyo (7 mois au
total).
A tâté de plusieurs sports de combat (Boxe anglaise, thaïlandaise), et arts
internes (Tai-chi-chuan, Chikong, Yi-Chuan).
L’enseignement du Kyokushinkai reste central dans la pratique, mais sa base
reste cependant compatible avec les principes du Taikiken énoncés
plus haut.
à suivre...